Chapitre 2 – Bienvenue en enfer ou presque

Disclaimer – Tous les personnages de cette histoire sont fictifs et toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes, mortes ou venant d’une autre fiction serait une pure coïncidence.

Hey salut amigo. Comment ça va aujourd’hui ? J’espère que tu ne t’ennuies pas avec ce confinement. Je me décide enfin à te poster la suite de mon histoire (après presque 1 an d’attente…) si jamais tu as lu mon chapitre 1. J’ai conscience que l’attente a du être terriblement longue mais la réécriture m’a pris plus de temps que prévu. Mais bon, tu as eu le temps de consulter d’autres articles pour t’occuper non ? En tout cas, si tu étais en manque de lecture amigo, prépare-toi car si jamais tu as trouvé le premier chapitre trop court, celui-ci s’annonce relativement long. Je te souhaite une bonne lecture !

Et désormais en plus de quelques musiques, j’ajouterais des images sous les différents points de vue des personnages, les lieux que ces derniers fréquentent ou visitent pour t’immerger davantage dans l’histoire.

Chapitre 2 : Dangereuse curiosité

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Couloir lycée Yogami // Source image : Pinterest

=> Musique (à écouter pendant ta lecture)

Rating  – 16+ (pour le langage vulgaire)

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Portrait Suzon // Modèle : Bridget Satterlee // Source image : Pinterest

Suzon ♀♀♀

De bon matin, une énorme voix se fit entendre jusqu’à l’autre bout de ma chambre. Je soufflais d’un air rageur. Cette voix appartenait à Margaux ma colocataire mais également ma diseuse de bons potins. Bon sang, elle n’était jamais fatiguée, une vraie pile électrique. Elle fit brutalement irruption dans ma chambre. De mon lit, je me retournai vers elle et la fusillai du regard.

– SUZON, hurla-t-elle.

– Tu viens de m’exploser les tympans, fis-je agacé.

– Tu as le sommeil tellement profond. Tu devais sûrement être en train de passer du bon temps avec un garçon dans tes rêves, dit-elle en me fixant malicieusement.

– Oh ferme-là, répondis-je en lâchant un profond soupir.

– Je t’en prie Suzon, garde ta mauvaise humeur pour plus tard.

– Nan mais tu te fiches de moi ? Tu m’imposes un réveil de brute et en plus je dois me taire ? implosais-je.

– Tatata, la colère c’est très mauvais de bon matin. Tu devrais le savoir toi qui passe ta vie le nez dans les bouquins.

– Un jour, tu regretteras amèrement de m’avoir comme coloc, c’est moi qui te le dit, lâchais-je irritée.

– Ce n’est que partie remise chère amie !

Je n’avais même pas envie de répliquer tellement c’était usant. Je me retournais en m’enveloppant dans ma couverture afin de rester au chaud et pour cacher ma bouche pâteuse du matin.

Margaux était du genre à énormément s’inquiéter. Pour tout et surtout pour rien. Je lui avais parlé des cours particuliers que j’allais donner à Nash et je le regrettais.

Chaque question qu’elle me posait me mettait horriblement mal à l’aise. Je ne savais rien de lui et ça m’énervait. A chaque fois que j’essayais de réfléchir calmement, elle venait m’embrouiller l’esprit. Je devais garder la tête froide et me contenter de balayer ses multiples interruptions.

Excédée par mon indifférence, Margaux avait quitté la pièce. D’ordinaire, je me montrais un peu plus aimable en sa compagnie, mais elle devait aussi s’adapter à moi. Je n’étais pas du matin et ça ne changera jamais.

En me préparant pour aller au lycée, je repensais à ce garçon. Nash Yatsuka… J’avais essayé de taper son nom sur Google par curiosité. N’essayez pas de me juger, on l’a tous déjà fait non ? Ma tentative fut vaine de toute façon. Je n’ai pas trouvé grand-chose. Ma flemme m’avait rattrapée et de toute façon je m’en fichais éperdument. Du moins c’est ce que j’essayais de me dire. Oh et puis pourquoi je cherchais à justifier toutes mes actions ?

***

Une fois dehors, je ne pouvais m’empêcher de soupirer. J’avais toujours cette furieuse envie de gifler ma coloc pour ce brutal réveil. Cependant, j’avais comme un nœud qui me vrillait l’estomac. Ce garçon, ces cours particuliers. Je me tapotais légèrement le visage. Je devais absolument me ressaisir. Une seule consigne aujourd’hui : penser positivement afin de retrouver un minimum de lucidité.

Malheureusement, je ne suis pas une championne de self-control et je sentais que cette journée allait rapidement m’agacer. Pas à cause de Nash non, mais des autres. Je n’avais vraiment pas envie d’alimenter des rumeurs ou de me retrouver à la première page du journal du lycée avec comme gros titre « Qui formera le plus beau couple de l’année ? ».

Je sais, c’est très cliché mais c’est monnaie courant dans notre établissement. Après, je me fais peut-être des idées, emportée par mon imagination. Comme d’habitude.

Je ne devrais pas être aussi parano mais c’est plus fort que moi. C’est l’éthique du lycée Yogami. Les élèves ne peuvent pas s’empêcher de faire des rumeurs pour tout et n’importe quoi. Bientôt la mort d’un poisson rouge sera presque aussi importante que l’absence d’un prof. Vous voyez un peu la logique ? Difficile de ne pas devenir complètement dingue.

Même en observant les douces nuances crémeuses du ciel, je n’arrivais pas à me concentrer sur autre chose que ces cours particuliers. Est-ce que je serais patiente ? Serais-je suffisamment pédagogue ? Est-ce que j’arriverais à l’aider correctement ? Tant de questions. Je ne l’ai pourtant même pas encore croisé.

Je sentais que je me rapprochais de plus en plus de l’école en entendant des voix familières, des rires, des conversations routinières. Puis en m’avançant encore de quelques mètres, je heurtais quelqu’un. Sans même avoir le temps de me retourner, un parfum que je reconnaîtrais entre mille m’envahissait les narines et m’arrachait une mine de dégoût. Il ne pouvait appartenir qu’à une personne. Aymeric… Une très longue et épuisante histoire. Pour résumé, c’est juste une erreur sentimentale, un ex où je rame à m’en défaire.

Sans dire un mot, il m’attrapa le bras et me tira brutalement à l’intérieur du lycée. C’est la manière d’Aymeric de me parler en privé. Il n’avait pas encore intégré le mot douceur dans son vocabulaire. Je me contentais de rester inexpressive tout en me laissant faire. Il n’avait toujours pas digéré la rupture. Je voulais simplement en finir.

– Bon qu’est-ce que tu veux Aymeric ? Je ne suis pas d’humeur.

– Tu me manques.

– Et ? Tu pensais que j’allais te sauter dans les bras ? demandais-je amèrement.

– J’en déduis que tu n’as plus de sentiment pour moi.

– C’est le principe d’une rupture Aymeric. Je me sens comme soulagé, affirmais-je.

– Donc tu n’étais pas réellement amoureuse de moi alors, lança-t-il.

– Je t’aimais bien, c’est tout, fis-je en ignorant son chantage.

– J’ai pourtant cru que nous avions un arrangement.

– Un arrangement ? Arrête de tourner autour du pot et dit moi ce que tu veux, lâchais-je avec impatience.

– Je veux que tu annules ton petit rencard avec Nash, dit-il en appuyant bien sur chaque mot.

– Alors tu es au courant. Je vois que les nouvelles vont vite.

– Je te rappelle qu’on est à Yogami ici et que tout le monde sait tout sur tout le monde et moi je sais tout sur toi.

Paye ta modestie surtout. Je me retenais d’éclater de rire. Cependant, la situation ne s’y prêtait pas vraiment. Je commençais même à me demander si mon ex n’était pas stupide. Et moi aussi par la même occasion. Comment j’ai pu supporter un mec pareil ? Il pensait vraiment que j’allais ressortir avec lui ? Et puis d’ailleurs, c’était quoi cette pseudo-crise de jalousie ? Je connaissais Nash depuis seulement hier et il le voyait déjà comme mon copain potentiel. Et encore connaître est un grand mot. C’est complètement ridicule.

Cette discussion commençait sérieusement à me gaver. Un véritable dialogue de sourd et dieu sait qu’en plus de ne pas être du matin, j’avais horreur de perdre mon temps.

Absorbée par mes pensées, j’en avais presque oublié sa présence. Cependant, son corps se collant dangereusement au mien me fit brusquement revenir dans la réalité.

***

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Portrait Nash // Modèle : Kento Yamazaki // Source image : Pinterest

Nash ♂♂♂

Je me levais difficilement. Ma tête tournait un peu mais j’arrivais quand même à me mettre debout. J’avais l’impression que tous mes sens s’étaient amplifiés. Drôle de sensation mais je serais incapable de l’expliquer. Je n’avais pratiquement pas fermé les yeux de la nuit. Comme souvent ces derniers temps. Et disons qu’entendre les exploits sexuels de mon colocataire à travers le mur de ma chambre ne m’a pas beaucoup aidé pour dormir. Je ne voulais même pas me regarder dans le miroir.

Normalement aujourd’hui, je voyais Suzon. Et en réalité, je n’en savais rien puisque je m’étais sauvé comme un con après mon entrevue avec Okino-sensei. Je soupirais. J’étais vraiment un imbécile. Même si c’était pour m’aider en anglais, je n’aurais jamais eu le courage de lui demander son numéro de toute façon. Sur cette pensée, je me laissais tomber en arrière sur mon lit.

Peu de temps après, les rayons du soleil m’aveuglant au travers de mes stores mal fermés me tirèrent définitivement de mon plumard. Je sentais déjà que la journée serait rude. Je ne ressemblais à rien et je ne savais même pas comment m’habiller. Sans le vouloir, je serrais les dents. Bon sang, je n’étais même pas encore devant elle que je commençais déjà à faire les cents pas dans ma chambre.

Après une longue hésitation, je me dirigeai lentement en direction de la salle de bain, bien décidé à réveiller mon cerveau encore fatigué. En ouvrant la porte de ma chambre, je vis Aiden qui faisait également les cents pas dans le couloir. Ce n’était pas dans ses habitudes d’être si matinal et je m’attendais encore moins à le voir ici. Surtout après tout le raffut qu’il a fait hier soir. En sortant, il me fit signe mais je ne répondis pas. Quand j’étais fatigué, il me fallait toujours un moment, le temps que mon muscle cérébral ne percute une quelconque parole.

– Hé oh Nash, tu dors debout ou quoi ? lâcha-t-il en claquant les doigts sous mon nez.

– Hein ? fis-je surpris.

– Mon dieu, mais c’est quoi cette tête ? dit-il en me faisant face.

Il eut droit à un vulgaire soupir en guise de réponse. Ce n’est pas pour rien que j’avais évité de me regarder dans le miroir. Je savais pertinemment que j’avais une tête affreuse.

En voyant mon air las, il se gratta la tête et sembla chercher ses mots. Une attitude bien suspecte et j’étais clairement encore trop fatigué pour réfléchir. En attendant sa réponse, j’essayais tant bien que mal de discipliner mon épaisse touffe de cheveux.

– Je voulais te donner ça.

– Mais qu’est-ce qui te prend aujourd’hui ? fis-je sans comprendre.

– C’était ton anniversaire il y a quelque temps non ? Je me suis simplement rendu compte que je ne t’avais rien offert, lança-t-il en se grattant les cheveux.

– Euh ok. Mais pourquoi si tôt ?

Ce fut à son tour de soupirer et je nageais toujours dans le vague. Oh mec pitié ne complique pas davantage ma journée.

– Écoute, ne pose pas de question et contente toi juste de l’accepter.

– Bon, si tu veux.

Il me tendit un léger emballage et après l’avoir déchiré, ce que je vis à l’intérieur me fit ouvrir de grands yeux surpris. C’était une chevalière noire avec les initiales « AY » gravée en dorée. En tenant l’objet dans les mains, je me retenais de ne pas trembler. Ce sont les initiales de ma mère. AY pour « Auria Yatsuka ». Je ne savais pas quoi dire. J’en avais presque le souffle coupé.

– Mec… Je ne peux pas accepter.

– Elle représentait beaucoup pour toi n’est-ce pas ? Alors fait-moi plaisir et porte là, fit-il simplement.

Je sentais que mon cerveau s’était comme déconnecté l’espace d’un instant. Je n’osais pas le regarder, je n’avais pas tout simplement pas de mot pour son cadeau. Je parlais à peine et ma voix tremblait tellement que j’en avais presque honte.

Sans même que je ne bouge, il se contenta juste de me serrer dans ses bras en me caressant doucement les cheveux. Ce geste était littéralement mon point faible et il le savait. Je voulais le repousser gentiment mais je n’en avais pas la force. Au fond de moi, j’étais profondément touché. Je ne lui avais parlé que très vaguement de mon passé et pourtant…

– Je t’ai recueilli après tout, alors je te devais au moins ça.

– Je… Merci.

Même si j’avais probablement l’air de cacher mes émotions, mes paroles étaient sincères. Je n’aimais pas le montrer mais à mes yeux, Aiden était plus qu’un simple colocataire. Durant mon enfance, après la mort de ma mère et après quelques mois passé en orphelinat, je m’étais enfui pour diverses raisons et c’est lui qui m’a recueilli. Je m’attendais vraiment à tout sauf à ça. En reprenant vaguement mes esprits, il vit sur mon visage un léger sourire.

– Mec, je me sens tellement mieux maintenant.

– Je veux bien te croire.

– J’étais persuadé que tu allais me hurler dessus.

– C’est pour ça que t’es aussi matinier ?

– Aussi et je voulais éviter de la réveiller.

– Oh tu parles de ta copine ?

– Si on veut oui. Mais maintenant !

– Maintenant quoi ? questionnais-je en levant légèrement les sourcils.

– C’est plutôt évident, non ? Je vais la retrouver et…

Je l’arrêtais d’une main. Je ne voulais pas connaître la suite et je me disais que je venais de retrouver le bon vieux Aiden de d’habitude. Puis alors que je faisais courir ma chevalière entre les doigts, je ne pouvais m’empêcher de sourire. Il me surprendra toujours. Quel idiot.

Et alors que je me dirigeais vers la salle de bain, Aiden m’attrapa le bras.

– Quoi encore ? soufflais-je.

– Je rêve où t’es en train de sourire ? Incroyable ! fit-il en me regardant fixement.

– Oh, ça va ferme-là.

Il me fit un sourire taquin en me tapant légèrement l’épaule. J’allais finir par être en retard avec toutes ses bêtises. Et pourquoi je devrais me presser d’ailleurs ? Je me retenais de soupirer. La journée s’annonçait longue.

– Nan mais je comprends, Nashounet, héhé.

– Qu’est-ce que tu racontes ?

– Sourire, être joyeux, tu sais les émotions qui te rendent humain quoi, ajouta-t-il.

– Je préfère juste que tu oublies ce moment stupidement émouvant, marmonnais-je.

-Oh Nashounet, je t’en prie, décoince toi un peu vieux.

– Ça va, c’est bon ! Je ferais un effort. C’est bon t’es content ? lançais-je en détournant le regard.

Et c’est sur un regard pleinement satisfait qu’il retourna dans sa chambre. Ça ne m’avait pas empêché de lui lancer un dernier regard mauvais. En reprenant mon chemin en direction de la salle de bain, je fronçais les sourcils. Aiden et sa foutue rhétorique. C’est vrai quoi, je suis totalement humain d’abord. J’étais même sociable tant qu’on ne m’ennuyait pas avec des sujets sans intérêt du style : la psychologie humaine, la météo, ma timidité etc…

En entrant dans la salle de bain, après m’être déshabillé, je lançais sur mon portable ma musique du moment « Burn my Dread » ou « Brûle mes craintes » en français. Je posais ce dernier sur le lavabo. Dire que j’écoutais de l’anglais mais que je ne pouvais pas voir cette matière en peinture. Quelle ironie.

Mes orteils se recroquevillaient sous l’agression du carrelage froid. Offrant mon visage à l’eau chaude qui s’abattait sur moi, un soupir de bien-être franchissait mes lèvres. Si seulement mes journées pouvaient se passer de la même manière. La figure trempée, les yeux légèrement entrouverts à cause de l’eau, tout en me savonnant, je cherchais le pommeau de la douche qui me narguait. En écoutant à la fois le bruit de la douche et ma musique qui tournait en boucle, je me laissais aller en rêvassant. Je pouvais constater la vapeur qui emplissait la pièce et j’éprouvais un réel bonheur de détendre mes muscles endoloris de fatigue sous l’eau brûlante. Aiden s’était probablement rendormi et même si je faisais du bruit, je m’en fichais royalement. Il avait écourté mon sommeil après tout.

Enfin en sortant, un frisson me parcouru tout le corps au contact du sol glacé. En attrapant ma serviette suspendue à la cabine et en l’enroulant autour de ma taille, je me regardais enfin dans le miroir. J’avais l’impression d’avoir toujours aussi mauvaise mine mais j’allais faire avec. Je ne savais même pas comment m’habiller et ça m’énervait. Bon sang, ce n’était que des putains de cours d’anglais. Pourquoi je me mettais autant de pression ? Tout ça devenait franchement ridicule.

En retournant dans ma chambre, pas de trace d’Aiden. Tant mieux. Je n’avais clairement pas envie de réécouter un monologue sur la joie, l’amabilité, la douceur et autre connerie. Vestimentairement, j’avais finalement opté pour un sweat à capuche gris, un jean noir et une veste en jean de la même couleur. C’était simple mais ça ferait l’affaire.

Malgré une douche, je sentais que mon cerveau était toujours aussi agité. Contempler mon bijou sur mon auxiliaire droit ne suffisait pas. J’en profitais également pour remarquer que les ornements dorés n’étaient pas spécialement voyants. Et dans un sens, ça m’arrangeait car je n’avais vraiment pas envie de parler de ma mère. Je devais absolument me vider la tête.

Sur mon bureau, trônait un carnet qui faisait office de journal intime. Tout en l’attrapant, j’essayais d’occuper autrement mon esprit en couchant mes pensées sur le papier.

« Diaries,

Stupide. Longue. Éprouvante. Inutile. Frustrante.

Voilà les mots qui résumaient bien ma rentrée d’hier. A cause de mes lacunes en anglais, je vais devoir prendre des cours particuliers avec une fille de ma classe. Suzon, c’est son prénom. Quel enfer. Je me demandais vraiment comment j’en étais arrivé à un tel point. Et j’étais certain d’une chose : c’est loin d’être terminé. Okino-sensei pouvait être une véritable emmerdeuse de première et je sentais qu’elle allait s’en donner à cœur joie avec moi. J’ai toujours eu tendance à sauter à pied joint dans les problèmes de toute façon.

Sans le vouloir, j’avais encore écrit de l’anglais. Bon sang, cette stupide matière allait définitivement me coller à la peau.

Tu as beau avoir pris la poussière au fond d’un placard, il était grand temps que je t’utilise. Peut-être que de temps à autre comme ça, je te parlerais ouvertement.

Bref voilà, ma vie n’est pas particulièrement intéressante mais c’est tout ce que je voulais te dire. C’est peu mais c’est largement suffisant. La prochaine fois, je t’écrirais quelque chose de plus palpitant si jamais j’ai de l’inspiration. »

Une fois prêt, je rangeais mon journal dans mon sac accompagné de quelques feuilles et des stylos. Il fallait que je voie le bon côté des choses. Plus vite, je me débarrassais de cette corvée et mieux ça serait.

En sortant une nouvelle fois de ma chambre, avec mon sac sur le dos, je croisais une nouvelle fois mon coloc. C’est pas vrai, qu’est-ce qu’il me veut encore ? Quelle matinée pourrie.

– Nashounet, tu pourrais baisser le volume de ta musique ? C’est vraiment déprimant, me lança-t-il en baillant.

– Tu plaisantes, j’espère ? déclarais-je sèchement.

– Pas le moins du monde. Je te signale que t’es pas tout seul.

– Ouais bah en attendant, c’est pas toi qui a entendu des gémissement incessants toute la nuit, râlais-je.

– Oh c’est bon, je profite seulement de la vie.

– Je te remercie clairement pas d’avoir gâché ma nuit. Donc considère qu’on est quitte.

Il me lança son fameux sourire provocateur. Vous savez celui qui vous énerve profondément ? Je m’abstenais de faire tout commentaire. Je n’avais vraiment pas envie de me prendre la tête avec lui. Sans même écouter sa réponse, je m’empressais de descendre les escaliers. Avant que j’ouvre la porte, j’entendais Aiden me disant « Et ton petit déjeuner ? C’est important tu sais » et autre réflexion inutile que j’écoutais à peine. C’est dingue à quel point il pouvait être lourd.

***

Malgré un grand bol d’air frais et une dose de nicotine, ma nervosité était toujours là. En arrivant devant le gigantesque portail du lycée, je regardais mon téléphone. Pas de message de Léo aujourd’hui. Il était probablement parti en avance. Les mains dans les poches, je marchais à reculons. Une crampe me ravageait l’estomac. Je n’avais vraiment pas envie d’y aller. N’importe quel gars à ma place l’aurait crié sur tous les toits sauf moi. Je ne savais même pas où j’étais susceptible de la trouver. Si seulement j’avais fait un effort hier… J’avais limite l’impression de ressasser les sermons d’Aiden. Je soupirais. Ce que ça pouvait être pénible. Je ne pensais pas que des simples cours me mettraient dans un tel état.

Par déduction, il n’y avait pas trente-six mille endroits où étudier à Yogami mis à part la bibliothèque. Après moult inspirations, je repris mon chemin. Avec toutes mes lamentations et autres injures mentales, je n’avais pas jeté un œil sur l’heure depuis que j’étais sorti. Je préférais ne pas le faire afin d’éviter toute déstabilisation.

En avançant dans le couloir, je tentais de me frayer un passage parmi la foule d’élèves qui allait et revenait de n’importe quelle direction. Certains me dévisageaient, d’autres me faisaient signe. Je n’y prêtais pas attention, je m’en contre-fichais pas mal. N’importe quelle banalité pouvait se transformer en rumeur dans ce lycée. Et, c’est peut-être ça que je détestais dans le fond. Sans forcément m’en rendre compte, j’accélérais le pas en enfonçant davantage mes mains dans les poches.

En me rapprochant de la bibliothèque, je finissais par apercevoir la silhouette de Suzon. Bingo, je me disais bien qu’elle serait ici. C’était évident de toute façon. En approchant davantage, je vis qu’elle n’était pas toute seule. Sans doute son petit copain. Je décidais alors de ne pas plus m’avancer. Ce qui se passait devant moi ne sont pas mes affaires. Alors inutile d’aller s’interposer. Cependant, je m’interdisais peut-être de me rapprocher mais je ne pouvais pas m’empêcher d’observer, ce fut plus fort que moi. La curiosité me tuera un jour.

Et j’eus droit à une véritable dispute de couple. Le mec en question s’approchait de plus en plus de Suzon, et s’apprêtait véritablement à plonger sa langue dans sa bouche. Là maintenant, je mourrais d’envie de me cacher les yeux tellement le spectacle était horrible. Mais heureusement, ce que je vis à la place me fit étrangement sourire. Le mec se mangea une gifle monumentale. Finalement, je rectifiais ma pensée, c’était son ex-copain. Et le dialogue qui suivit confirmait mon hypothèse.

– Nan mais à quoi tu joues exactement ? cria-t-elle.

– J’en avais envie c’est tout, répliqua-t-il.

– Dois-je te rappeler que nous ne sommes plus ensemble ?

– Je m’inquiète pour toi Suzon.

– Tu as beaucoup mieux à faire.

– Tu crois ?

– Bien sûr. Le monde ne s’arrête pas de tourner pour une rupture Aymeric, affirma-t-elle avec force.

– Moi je crois surtout que tu as toujours des sentiments pour moi mais que tu refuses de l’admettre.

A l’entente du prénom Aymeric, mon sang ne fit qu’un tour. Je n’aurais jamais pensé le croiser ici. Qui aurait cru que Suzon sortait avec un mec pareil ? Aymeric Sato… Rien que prononcer son nom me faisait serrer les dents. L’année dernière, je traînais avec lui. Mais ça, c’était avant que je découvre son comportement de sombre merde avec les filles. J’étais tellement naïf. Sans même le regarder, je sentais que j’étais complètement à cran. Mes poings ne cessaient de trembler, je ne pouvais pas m’en empêcher.

Puis soudainement, le regard de Suzon croisa le mien. Mon visage s’empourpra presque directement alors que le sien dégageait un profond malaise. En se dégageant de l’étreinte de son ex, je ne pouvais m’empêcher de la détailler vestimentairement. Certainement pour cacher ma fébrilité et mon profond agacement en voyant l’idiot qui l’accompagnait.

Elle s’avança vers moi et s’excusa rapidement avant de me faire la bise. Ce contact me fit ressentir un frisson étrange et grisant. Une véritable décharge électrique. J’essayais de contenir le rouge qui me montaient aux joues. Mon cœur battait à m’en faire exploser la poitrine. Je mis un moment avant de retrouver ma voix.

– Pardon. Je ne voulais pas…

– Ne t’excuse pas, me coupa-t-elle en souriant. Tu viens simplement de voir mon idiot d’ex refusant d’admettre son célibat.

– Et l’idiot est toujours là ! s’exclama l’intéressé en s’avançant vers nous.

Je n’avais même pas besoin de lever les yeux pour savoir qui parlait. Sa voix traînante et son parfait sourire hypocrite accroché aux lèvres. C’était une voix que je connaissais que trop bien à mon goût. Après un moment d’hésitation, je me mis à le regarder avec tout le mépris que je pouvais éprouver. Il me regardait avec insistance et me fit face avec un air moqueur horriblement forcé, me tendant une main. Il se fichait de moi c’est sûr, comme si j’allais la saisir.

– Ça faisait un bail Yatsuka.

– Écarte-toi Aymeric, sifflais-je.

– Tiens-donc mais où sont donc passé tes bonnes manières ? fit-il d’un air intéressé.

– Je t’ai dit de me laisser passer.

Il ne bougea pas d’un centimètre et se contenta de me regarder avec un sourire malicieux. Je devais absolument me calmer. Ce moins que rien cherchait juste à me provoquer. Puis avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, il m’attrapa par le sweat et me poussa contre un casier. Il tirait tellement fort que j’avais du mal à respirer.

– Je crois que tu n’as pas compris à qui tu t’adressais, dit-il en me regardant sombrement.

– Ah vraiment ? fis-je en essayant de contenir un fou rire qui me nouait la gorge.

En guise de réponse, il me donna un coup de poing dans le ventre. Il a évité mon plexus solaire, il était clairement habitué à frapper les gens. Ce n’est pas étonnant, on passait notre temps à se mettre sur la gueule l’année dernière. J’avais l’estomac tout retourné mais je m’en moquais. Voir son visage déformé par la colère m’amusait au plus haut point.

– Nngh…

– Sombre idiot. Tu crois que t’es en position pour faire le malin ?

– Oh mais je comprends. C’est dur de se faire larguer hein ? Sacrée baffe hahaha.

Il me donna un autre coup non loin des côtes cette fois. Je pouvais à peine me tordre de douleur tellement j’éclatais intérieurement de rire. Autour de nous, du monde commençait à s’attrouper. Je me fichais complètement de passer une fois encore pour un paria de premier cycle. Viser juste, jouer avec le mental d’Aymeric, c’était vraiment tordant.

– Nngh ! criais-je en ayant le souffle coupé.

– Tu piges toujours pas, hein ? Il faudrait vraiment que Suzon soit folle pour fréquenter un mec comme toi.

– Hmm…Ton cerveau est en train de pourrir ou quoi ? soulignais-je en ricanant.

– Ferme-là. Arrête d’essayer de jouer les durs, dit-il en me fixant furieusement.

– Tu sais… Te regarder m’irrite vraiment.

– Tu m’énerves terriblement, espèce de merde, lâcha-t-il en me donnant un nouveau coup.

– Ugh…

– C’est pas toi qui disait l’année dernière que tu t’emmerdais à mourir ? Que tu haïssais profondément cette société de merde hein ?

– ……

– T’es sourd ou quoi ? Réponds ! demanda-t-il en fronçant les sourcils.

Il empoigna mon haut avec plus de force prêt à me faire recracher mes tripes. Il m’attrapa par les cheveux et me tira grossièrement la tête vers le haut. Je pouvais sentir le sang de ma lèvre coupée. Malgré la douleur, je ressentais une forte envie de rire à nouveau, mais je ne voulais pas tout gâcher.

– Tu parles trop imbécile. Ne pense surtout pas que nous sommes pareils.

– Qu’est-ce que tu dis ?

– Tu n’es rien d’autre qu’un fils à papa faisant une crise de colère. Tu sais, je déteste toujours autant cette société. Mais je t’en prie, ne me mets pas dans le même panier qu’un sale rat comme toi… Haha…

– Espèce de connard arrogant ! Ne crois pas que tu as gagné.

– Tu as vraiment le culot de me dire ça ?

Ces jacassements me faisaient mal aux oreilles. Combien de fois devait-il me traiter d’idiot ? Même s’il me dépassait d’une large tête, Aymeric était le genre de mec qui ne m’impressionnait pas du tout. Je le sentais perdre pied. Il ne supportait pas que Suzon lui glisse des doigts et cette situation me faisait doucement rire. Ce mec sortait avec des nanas juste pour son propre amusement. Il se fichait complètement de ce qu’elles pouvaient ressentir. Seul son plaisir l’importait. Cette simple pensée me fit grimacer. Mais j’étais plutôt fier, je venais littéralement de ruiner son batifolage.

Et j’étais tellement concentré à l’idée de le foutre en rogne que j’en avais oublié le regard interdit de Suzon qui avait assistée à cette confrontation ridicule. Je me sentais soudainement mal mais peut-être était-ce à cause des nombreux coups que j’avais mangé. Je continuais de fixer Aymeric d’un impénétrable regard mêlant rage et énervement. Je mourrais d’envie de cogner à mon tour sa petite gueule de minet.

– Suzon était heureuse tu sais. Sacrée gourmande en plus de ça. Si tu vois ce que je veux dire, souffla-t-il dans un sourire les plus hypocrite.

– Ferme-là, hurlais-je.

– Ne me regarde pas comme ça ! ria-t-il. Contrairement à toi, je sais satisfaire la gente féminine. Tu veux peut-être qu’on reparle de Léna ?

C’en était trop. Dans un élan de rage incontrôlé, je me dégageais de son emprise et je l’agrippais violemment à mon tour pour le plaquer avec plus de force contre le casier. L’odeur de son haut tout neuf me donnait presque envie de vomir.

– Wow alors ça y est Yatsuka, tu deviens enfin sérieux. Qu’est-ce que tu attends ? Vas-y. Je sais que tu meures d’envie de me cogner, dit-il d’un ton provocateur.

– Je t’ai dit de la fermer, répliquais-je agacé.

Il continua de me narguer avec son air frivole. Comme si le sarcasme avait subitement changé de camp. Je le foudroyais du regard. Il avait osé reparler de Léna, osé évoquer des souvenirs qu’on avait partagé ensemble. Tout n’avait été que mensonge. Il n’avait fait que m’utiliser, me mettre au cœur de ses manigances tordues, il avait clairement profité de ma naïveté pour me duper. Et aujourd’hui encore, je rentrais dans son jeu. Quel salaud…

J’étais tellement en colère que ça m’empêchait de réfléchir. Aymeric continuait de me toiser alors que je le plaquais encore une fois contre le casier pour effacer son sourire suffisant. Puis il reprit un air sérieux.

– Comme c’est étrange, lança-t-il comme pour reprendre le fil de la conversation.

– Qu’est-ce qui est étrange ? rétorquais-je en fronçant les sourcils.

– Notre ressemblance… Physique bien sûr. Intellectuellement, tu es juste un sombre parasite.

Je ne cessais de rétracter mes doigts pour conserver mon calme. Il m’observa et m’adressa un sourire sadique.

– Te souviens-tu de ce type étrange dans le métro qui te regardait durement ?

– Comment t’es au courant de ça ?

– Simplement parce que ce type, c’était moi.

Mes mains se délièrent subitement, et le lâchèrent. Il poussa un soupir en prenant le temps de remettre son col correctement. Putain, je ne comprenais rien. Qu’est-ce qu’il attendait de moi exactement ?

– Eh bien, tu ne dis rien ?

– Que veux-tu que je dise ?

– Tu dois te poser tellement de questions, fit-il en rigolant.

– Qu’est-ce que tu veux exactement ?

– Commence d’abord par cesser de tourner autour de Suzon et peut-être que je te le dirais.

Cette conversation ne menait nulle part et cela commençait à me taper sur le système. Puis Suzon se mit en travers, nous suppliant de nous arrêter. Et ce ne fut pas la seule. Notre altercation avait attiré beaucoup trop de curieux et parmi la masse d’élèves, je discernais une voix forte qui m’était particulièrement familière. Celle d’Okino-sensei. Bon sang, comme si je n’avais pas suffisamment de problème comme ça.

– C’est quoi, ce vacarme ? Sato, Yatsuka ! Encore vous, hein ? Toujours vous. Vous tenez vraiment à être renvoyé ? lâcha-t-elle froidement.

– Oh, ça va. Foutez-nous la paix. On a fini de parler de toute façon, souligna Aymeric d’un air suffisant.

– Mettez-là en veilleuse Sato. Sachez que c’est loin d’être fini pour vous messieurs, fit-elle en nous fixant durement.

Une vague d’angoisse parcourut soudainement la foule d’élèves qui avait subitement arrêté de piailler. Je pouvais clairement sentir son jugement à travers ses prunelles froides. Aymeric et moi n’affichions aucune émotion. On était habitué à se faire réprimander. Toutes mes raisons étaient bonnes pour agir avec violence avec lui.

Cet idiot était-donc incapable de fermer sa bouche ? Il ne pouvait vraiment pas s’empêcher de fanfaronner. Autour de nous, les élèves étaient retournés à leur occupation, comme si de rien n’était. Sans rire, Okino était si effrayante que ça ? Décidément, plus cette journée avançait plus elle était pourrie.

Peu après, Suzon me fit signe d’aller vers la bibliothèque et me murmura qu’elle me rejoindra un peu après. Quelque part, ça m’arrangeait. Je n’avais pas la force pour affronter son regard après une scène pareille. Bordel, elle avait réellement assisté à ce règlement de compte ridicule ? Mon dieu, faites que je meure maintenant.

***

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Portrait Aymeric // Modèle : Fukushi Sota // Source image : Pinterest

Suzon ♀♀♀

J’avais besoin d’air. Il fallait que je sorte de là. Ce soudain attroupement d’élèves, deux mecs de ma classe en train de se battre. J’étais carrément en train de frôler la crise d’angoisse. Dans la cour du lycée, je m’installais sur un banc pour masquer mes tremblements. Il me fallait un truc pour m’occuper l’esprit. J’eus soudainement l’envie de dessiner. Tout en attrapant mon matériel, je ne pouvais m’empêcher de penser à tout ce qui venait de se dérouler sous mes yeux. J’ai bien cru qu’Aymeric allait tuer Nash… La gorge serrée, je réprimandais une soudaine envie de vomir. Et pourquoi je pensais à ce connard de première.

En me débarrassant de mes pensées négatives, je commençais doucement à réaliser une exquise de l’entrée du lycée Yogami. Tout ce cirque m’avait épuisée. Concentrée sur ma reproduction d’architecture, je réalisais à quel point j’avais besoin de dessiner. Ce fameux rejet de l’art. Moi qui pensais être en manque d’inspiration. Puis parfois, ça me reprenait, ça m’habitait de nouveau.

Cette façade, cette perspective, ses différentes formes géométriques… Comme plongée dans mes songes, je reprenais de nouveau mon crayon pour y ajouter un léger dégradé quand une ombre familière se planta littéralement devant moi. Aymeric… Qu’est-ce qui n’allait pas chez pas lui ? Ça devenait affreusement gênant. A croire qu’il le faisait exprès !

– Alors, on se retrouve, hein ?

– C’est parce que tu reviens toujours.

– Tu connais le dicton non ? Fuis-moi, je te suis…

– Dégage de mon chemin, m’exclamais-je en retenant une grimace.

– Allons, pourquoi tant d’agressivité ? gloussa-t-il.

– Je ne peux pas voir. Bouge.

Sur ces mots, il s’installa non loin de moi tandis que mon visage s’assombrissait.

– Dis-moi seulement pourquoi Aymeric… Pourquoi est-ce que tu l’as poussé à bout comme ça ?

– C’était amusant. J’ai tellement adoré voir son regard stupide sur son visage. C’était carrément génial, s’exprima-t-il sans le moindre remord.

– Vraiment ? C’est ça tes raisons ?

– Mais enfin de quelles raisons tu me parles Suz’ ? Y’en a aucune en fait. J’aime me foutre de lui, c’est tout.

– Ne m’appelle plus comme ça. Y’a plus rien entre nous t’entend ? Plus rien du tout, hurlais-je en lui frappant le bras.

Les mâchoires serrées, je refermais violemment mon carnet de croquis. Je comprenais un peu mieux Nash à présent. Je faisais de mon mieux pour l’ignorer, mais c’était carrément difficile quand il était visiblement content.

– Tiens donc, tu dessines maintenant ?

– Comme si ça pouvait t’intéresser, crachais-je abruptement.

– N’esquive pas ma question Suz’, lâcha-t-il en insistant sur mon surnom.

– Mêle-toi de tes affaires.

Il se leva et s’approcha de moi. Par réflexe, je fis quelques pas en arrière.

– Allons, relax. Je ne cherche pas à t’embrasser de nouveau, ria-t-il.

– Qu’est-ce que tu lui veux à Nash, hein ? fis-je en oubliant sa remarque amère.

– Mais dis donc, c’est qu’on est curieuse Suz’. Alors quoi, il t’intéresse maintenant ?

– Réponds Aymeric ! soufflais-je

– Haha… lâche-moi un peu, fit-il d’une voix provocatrice.

Je m’efforçais de mon mieux pour ne pas craquer. Pendant un cours instant, je fus envahi par une légère vague de nostalgie. Le temps où je me cherchais, où je voulais explorer les frontières de la folie, où je m’amusais. Mais ce sentiment se dissipa aussi vite qu’il était apparu. Je contrôlais ma respiration, je ne devais surtout pas pleurer. Comme d’habitude, il jouait délibérément sur les mots pour m’énerver.

– C’est drôle, j’ai l’impression que tu ne répondras jamais à ma question, lançais-je sur un ton sarcastique.

– Sans doute, parce qu’il n’y a rien à dire, rétorqua-t-il sur le même ton.

– Il est loin d’être comme toi.

– Ne me fait pas rire, soupira-t-il. Tu parles comme si tu le connaissais.

Je sentais que je l’avais touché dans son ego. Un sourire sombre s’affichait doucement sur mon visage. Les rôles étaient à présent inversés. Cependant, je me posais toujours autant de questions. Étais-ce réellement qu’un simple jeu entre ces deux-là ?  Plus j’y réfléchissais et plus j’en avais mal à la tête. Aymeric était imbu de lui-même mais malin. Et ça, je ne devais pas l’oublier. Si je creusais trop maintenant, j’allais probablement récolter des remarques blessantes et je n’étais pas certaine de pouvoir gérer.

***

Nash ♂♂♂

Une fois à la bibliothèque, je m’installais à une table en posant mon livre d’anglais devant moi. J’entendais des étudiants qui chuchotaient en me regardant. « Oh t’as vu c’est lui qui s’est frotté à Sato… » « Il n’a vraiment pas froid aux yeux… ». Tellement de conversations barbantes et inutiles. Et peu discrètes en plus de ça. Évidemment que je n’avais pas peur de cet abruti. Je sentais déjà que j’allais nourrir les rumeurs pendant un bon moment. Pourquoi a-t-il fallu que je retombe sur ce tocard ?

J’éprouvais soudainement le besoin d’écrire dans mon journal puis je me ravisais. Pour écrire quoi de toute façon ? Avoir pris une sacrée raclée ? Sur cette pensée, je massais ma joue légèrement endolorie. Dans la catégorie idiotie, je suis clairement le meilleur. Suzon devait vraiment voir ça ? Admirer une prise de bec avec un putain de mec jaloux ? M’enfin, ça m’apprendra à me mêler des affaires des autres. Au diable ma foutue curiosité.

Puis d’un coup, mon œil droit me piqua fortement. En ce moment, je ressentais régulièrement cette douleur. Elle était si violente que j’en saignais. La colère avait tendance à fragiliser mes vaisseaux sanguins. Bordel, je ne comprenais rien à ce qui m’arrivait.

Cinq minutes plus tard, Suzon entra et me cherchait des yeux. D’une main, je cachais mon œil sous d’épaisse mèche de cheveux et de l’autre, je lui fis signe. Elle s’installa en face de moi le souffle court. Son visage était inexpressif. Ses yeux noisette semblaient avoir perdu tout leur éclat. J’avais l’impression qu’elle se retenait de pleurer. Elle voulait sans doute cacher ses émotions devant moi et c’était compréhensible. J’aurais probablement réagi de la même manière à sa place. Juste histoire de garder une once de dignité. Son ex était vraiment un enfoiré. Et la prochaine fois, je ne me gênerais pas pour le cogner. Dire que je ressemblais à ce type… Décidément, ce mec me tapera sur les nerfs jusqu’au bout. Je me mordais la lèvre pour masquer ma contrariété.

Elle avait du mal à parler. Elle se contentait de chasser les quelques mèches de cheveux bruns qui lui tombait dans les yeux et continuait de me fixer. Sa moue me mettait mal à l’aise. Ses sourcils étaient si bien dessinés que je me voyais détourner le regard un instant. Elle restait méfiante. Elle avait très certainement dû être secouée par les paroles de son ex. Toujours en me fixant droit dans les yeux, elle reprit tranquillement son calme et fit d’une voix qui ne tremblait pas :

– Je suis désolée pour tout ce qui s’est passé avec Aymeric.

– Aucun problème, fis-je maladroitement.

Bon sang pourquoi elle s’excusait ? C’était moi le boulet dans l’histoire. A l’entente de son nom, je fis appel à toutes mes réserves de calme et de sang-froid pour ne pas craquer purement et simplement.

Puis il y a eu un silence. Elle devait probablement réfléchir. Nous étions là tous les deux. L’un en face de l’autre. Pour étudier. Étudier et rien d’autre. Un court instant mon cerveau se focalisa sur les frissons que j’avais ressentis quand elle m’avait fait la bise. Comme si c’était le moment de penser à ça. Ce silence était tellement palpable que j’hésitais presque à reprendre la parole.

– Je sens qu’on va devoir reporter. Tu dois certainement te dire que je passe ma vie à m’excuser mais je n’ai plus vraiment la tête à étudier, reprit-elle doucement.

– Je comprends, répondis-je d’un ton plus assuré.

Je songeais avec agacement que ces cours étaient une vaste plaisanterie. D’un coup, comme ça, elle avait effacé les problèmes que je cherchais à fuir. Puis brusquement, je basculais de ma chaise et ce fut le trou noir complet. Putain de crise de narcolepsie. Une fois encore, il fallait que ça se passe devant elle. Soit j’avais un mauvais karma soit ma conscience prenait goût à me torturer.

***

Grand silence. Ma tête bourdonnait et je me sentais vraiment mal. En ouvrant difficilement les yeux, je touchais par réflexe mon œil droit qui était recouvert d’épais bandage. Je vis que j’étais au chaud dans un lit. Mon cerveau embrumé tâtonnait dans mes débris de souvenirs récents. Tout se bousculait dans mon crâne, la dispute, ses répliques cinglantes, le sourire arrogant d’Aymeric, le visage de Suzon…

En me relevant légèrement, j’essayais de visionner où j’étais. L’infirmerie… Et merde. Qu’est-ce que je foutais là ? Des souvenirs remontaient lentement à la surface. Impossible de me rappeler comment j’étais arrivé ici. Je portais toujours mes vêtements. Premier soulagement de la journée.

Je prenais ma tête dans mes mains. Je n’aimais pas être dans cet état et encore moins avoir été vu ainsi. Sans même le voir, mon visage devait probablement être aussi pâle que le plafond. J’étais si fatigué. Puis en caressant une de mes joues, j’esquissais une légère grimace. Probablement un bleu.

Et c’est alors que j’entendis une voix rassurante. Celle de Gloria, l’infirmière du lycée.

– Comment tu te sens Nash ? Ta crise était particulièrement violente cette fois-ci, j’ai dû te faire des injections pour te calmer.

– Ça va, acquiesce-je.

– Est-ce que tu as mangé aujourd’hui ? Ta tension était horriblement basse également.

– Non, soufflais-je.

– Je vois. D’où la crise d’hypoglycémie supplémentaire.

– ……

– Tu as retrouvé tes vieux démons, hein ?

– Mh.

– Dis-moi la vérité Nash, pourquoi tu t’es battu avec Aymeric ?

– Ça serait trop long à détailler.

– Tu sais que je suis navrée pour tout ce que tu as traversé, dit-elle en fixant mon bijou.

– …J’y vais maintenant.

Je me levais en pestant légèrement. Gloria ne tenait pas compte de mon regard évasif et me fit un sourire, soulagée. Avec les années, elle avait appris à cerner mon comportement. Elle me connaissait depuis mon arrivé à l’orphelinat, quand j’étais un gamin trop maigre de huit ans. Elle m’avait souvent vu à l’infirmerie et ne m’avait jamais retiré son affection.

La première fois qu’elle avait vu un œil au beurre noir, elle avait juste pleuré doucement et m’avait enlacé. J’étais resté figé, incapable de la repousser, ne comprenant pas sa réaction. Par la suite, on avait continué à interagir avec beaucoup de respect. J’avais tendance à nier son affect car je détestais les traitements de faveur. Cependant, ce fut la seule adulte à ce jour qui en savait un peu plus que les autres à mon propos.

Me faisant signe de m’installer, elle me donna quelques carrés de chocolat que je me forçais à avaler pour éviter d’aggraver mon cas. Je jetais ensuite un coup d’œil sur la table de chevet. Un verre d’eau et deux comprimés d’Advil que je m’empressais également d’engloutir.

– Ugh… Dégoûtant.

– Tu ne rechignes pas cette fois n’est-ce-pas ?

J’haussais vaguement les épaules en levant les yeux au ciel.

– Je peux y aller maintenant ? fis-je impatiemment.

Gloria soupira. Je sentais qu’une question lui brûlait les lèvres.

– Alors ?

– Concernant ton œil.

Je fronçais les sourcils, mon esprit tournant à plein régime.

– Quoi mon œil ?

– Ta pupille était très dilatée et assez rougeâtre. Est-ce que tu te drogues ?

– Qu- bien sûr que non !

Je détournais subitement le regard en restant silencieux. Je savais comment Gloria résonnait et à ce moment précis, elle n’avait pas l’air particulièrement convaincue. Pour une raison mystérieuse, elle me rappela le passé et je n’aimais définitivement pas la tournure de cette conversation.

– Gloria… soupirais-je.

– Excuse-moi, je sais que tu n’aimes pas en parler. Mais aujourd’hui, j’ai cru te voir à nouveau sombrer dans ce lit blanc.

– C’est probablement le manque de sommeil. J’ai une tête à prendre des stupéfiants ?

Par réflexe, je laissais claquer ma langue contre mes dents. Mon ton était involontairement dur. Je savais qu’elle essayait de trouver les mots justes pour me comprendre. Je secouais la tête. Mon manque de repos intervenait sur mon humeur. Tout ça devenait ridicule.

– Je n’invente rien.

– Je le sais très bien. Mais si la directrice t’avait vu avant moi…

Je connaissais cet air perdu. Connaissant la directrice, elle m’aurait convoqué et probablement inondé de tous ses discours inutiles. Un peu à la manière de cette bécasse d’Okino-sensei en deux fois pire. L’esquisse d’un sourire flotta sur mes lèvres et disparut presque aussitôt. Gloria me fixa un moment puis soupira lourdement.

– Enfin, j’imagine que c’est sans importance à présent.

– C’est bon je peux partir ?

– Attends !

– Hm ?

– Une de tes camarades voulait que je te donne ça à ton réveil.

Elle me donna un petit mot avant de tourner les talons afin de veiller sur d’autres élèves.

« Si tu lis ce petit mot, ça veut dire que tu es réveillé. J’espère que tu te sens mieux. Tu m’as fichue une vraie peur bleue avec ton malaise à la bibliothèque. Je pensais vraiment que tu jouais la comédie. Je te laisse mon numéro. Désolée pour les cours d’anglais encore une fois. Je pense qu’on fera ça chez moi. Si tu n’y vois pas d’inconvénient bien entendu. J’attendrais ton message.

PS : J’ai apprécié ta compagnie, merci pour ce petit moment. La prochaine fois, ne te gêne surtout pas pour refaire le portrait de l’autre idiot. A plus ! Suzon. »

Mon cœur ne fit qu’un bond en lisant ce mot. Elle avait apprécié ma présence. Je me prenais encore sûrement la tête mais je passais mon temps à me mettre dans des situations embarrassantes. Comment pouvait-elle aimer être avec moi ? Décidément, je ne comprenais vraiment rien aux filles.

La fin de son petit mot me fit sourire. Elle s’était inquiétée à mon sujet et cette pensée me fit rougir. En consultant mon portable, j’avais trois messages en attente. Je crois que je n’avais encore jamais été aussi harcelé. Tous venaient de Léo, excepté un de Samuel. Ces deux-là devaient sûrement s’inquiéter.

Nashou, c’est vrai que t’a fait un malaise ?

Pourquoi est-ce que tu ne réponds pas ? Je m’inquiète vraiment pour toi. Rappelle-moi vite s’il te plaît.

Eh ça va mon vieux ? Léo m’a raconté ce qui t’es arrivé. Tout va bien ?

En mordant dans un autre morceau de chocolat que Gloria m’avait laissé, j’en profitais pour leur répondre.

Tout va bien mec. Quelqu’un s’est gentiment occupé de moi. On se voit au Maid Café comme d’hab ? Passe le message à Samuel. 😉

Sa réponse ne se fit pas trop attendre.

Nashou, je suis content de voir que t’es vivant. Et laisse-moi deviner, c’est Suzon hein ? Alors c’est ta petite-amie ? Et pas de soucis pour le Maid. Tu sais bien que je ne refuse jamais un café ! Samuel sera peut-être là d’ailleurs. 😉

Je répondis :

Tu te fais trop de film idiot. C’est juste une camarade de classe qui me file un coup de main en anglais.

Mon portable bourdonna de plus belle.

Dans tous les cas, tu as des tonnes de trucs à me raconter ! On se retrouve là-bas alors ? 😊

En plongeant le nez une dernière fois sur mon écran, je répondis une vague réponse positive. Et pour une fois sans hésitation, je composais le numéro de Suzon pour lui donner des nouvelles. Numéro au passage que je n’ai pas été foutu de demander. Ça sonnait, j’entendais une tonalité. Elle n’avait pas coupé son portable, c’était déjà ça.

– Allô, fit-elle au bout du fil.

– Salut, c’est Nash.

– J’étais inquiète.

– Je sais, j’ai lu ton mot. Tout va bien. Merci pour le verre d’eau et c’est ok pour les cours d’anglais chez toi, fis-je d’une traite.

Elle se tait un instant. Et bizarrement, lorsque j’étais au téléphone avec elle, je me sentais moins timide. Moins intimidante qu’en vrai, c’était sûrement ça. J’étais encore un peu sonné pour tout saisir. Mais assez pour comprendre que je devais à tout prix éviter de refaire une crise.

– Je t’en prie, c’est normal. Et parfait pour les cours alors, j’ai bien noté ! Je te donnerais mon adresse un peu plus tard dans la soirée ou demain, reprit-elle poliment.

– Aucun souci. Bon à demain alors.

– Yes, bye.

Puis elle raccrocha. Ces derniers mots en anglais m’avaient légèrement perturbé mais c’était probablement pour me donner un aperçu de ce qui m’attend. Mes lèvres s’étiraient en un petit sourire léger. Je me sentais bien mais je ne laissais rien paraître. Léo me connaissait bien et Suzon me chamboulait suffisamment comme ça.

***

Qatar Calm Street Cafe alias Maid Café
Maid Café // Source image : Pinterest 

Suzon ♀♀♀

L’appel de Nash me fit du bien. J’avais cruellement besoin de penser à autre chose après cette matinée qu’Aymeric avait brillamment foutu en l’air. J’en avais profité pour appeler une de mes amies Cécilia pour lui raconter. Il avait dépassé les bornes et m’avait balancé des trucs infects à la gueule. Comme le fait que je refusais d’assumer ma bisexualité ou encore que je me rapprochais de Nash par intérêt. Des larmes me montaient aux yeux en repensant à ses paroles. Je m’étais pourtant interdit de pleurer. Puis vint des larmes d’énervement, de fatigue, impossible à retenir. Je finissais toujours par retomber dans ce cycle infernal, stupide et dégradant.

Il a toujours réussi à appuyer là où ça faisait mal. En repensant à son comportement, je me demandais vraiment comment j’avais fait pour sortir avec lui. Rah comment ai-je pu être aussi bête ! Il voulait juste me récupérer pour me foutre dans son pieu. Il s’amuserait, se lasserait puis me ferait souffrir à nouveau. Je connaissais que trop bien son petit jeu.

Cécilia me donna un léger coup sur l’épaule en riant, me sortant de mes pensées. Elle continua alors son petit récit en me donnant des nouvelles d’Olivia et Diana qui me manquaient affreusement. Je l’écoutais fascinée par sa manière de raconter des histoires. Elle avait au moins le mérite de me faire penser à autre chose. C’est d’ailleurs pour ça que j’aimais passer du temps avec elle. Elle était mon petit remède de bienveillance. Heureusement pour moi, elle ne m’avait pas vu pleurer de nouveau.

– Assez parlé de moi. Toi de ton côté, tu ne me cacherais pas quelque chose, des fois ?

– Écoute, il faut que je te dise un truc.

Cécilia se redressa d’un coup. On dirait que j’allais lui annoncer la nouvelle du siècle.

– Dis voir, je suis tout ouïe.

– Je revois Nash demain.

– Mais c’est super ! s’exclama-t-elle.

– Ne t’emballe pas comme ça, c’est juste un camarade de classe, rien de plus.

– Hmm… camarade à qui tu donnes des cours d’anglais et que tu as soigné à l’infirmerie ? A d’autre hein, on sait tous comment ce genre de relation va se terminer.

– Justement, je me fiche de savoir comment elle va se finir. Il n’est pas comme Aymeric, il ne cherche pas à me baiser.

– Tu es d’un romantique, fit-t-elle consternée.

Oh seigneur, j’avais choqué Cécilia. Je ne m’en serais jamais crue capable et pourtant. J’haussais les épaules pour m’excuser.

– Même si c’est de Nash qu’on parle, ça reste un mec. Et tu connais autant que moi les mecs et leurs pulsions, reprit-elle doucement.

– Tout ça me dépasse un peu.

Soudain elle se tut brutalement et me regarda, perplexe.

– Wow mais c’est que tu lui fais drôlement confiance, dis donc.

– Ne sois pas ridicule Sis, c’est juste des cours. Ça n’a rien d’un rendez-vous galant, dis-je sans relever son allusion.

– A mon avis, tu devrais aller le retrouver et lui faire une surprise, insista-t-elle.

– J’y penserai.

– Non justement. Arrête un peu de réfléchir, martèle-t-elle en me cognant légèrement sur la tête.

Je souriais. Autant, je pensais que c’était passé mais j’avais vraiment mal au crâne. J’étais tellement perdue avec tout ce flot de paroles que je rêvais de me mettre au lit et ne plus penser à rien. Cécilia se leva et reprit ses affaires, elle était prête à partir. J’étais presque soulagée que Margaux soit absente. Je n’avais pas envie de répondre à une liste interminable de question.

– J’y vais. Si tu as besoin de quelque chose, appelle-moi.

– Ne t’inquiète pas, je vais bien. Et tout se passera bien.

– C’est ça oui… Tu me dirais ça même si je te retrouvais en train d’agoniser sur le parquet.

– Ciao et fait attention à toi en rentrant.

– Bien sûr, je te tiens au courant.

Là-dessus, je me laissais broyer par un de ses câlins remontant le moral dont elle avait le secret.

Après son départ, lentement, presque sans m’en rendre compte, j’attrapais mon téléphone et j’appelais Nash. Dire que j’avais raccroché dix minutes avant et me voilà en train de le rappeler. Cécilia serait sans doute fière de moi. Je voyais plutôt ça comme du harcèlement.

– Désolée, c’est encore moi.

– Oh Suzon, il y a un problème ? me demanda-t-il.

– Eh bien, je me demandais ce que tu faisais.

– Je suis au Maid Café avec des amis. Tu veux venir ?

– Je ne veux vraiment pas déranger.

– Mais non ! Juste par pitié, épargne-moi de l’anglais à table.

– Juré ! Sur ce, je file.

Je me mis en route pour rejoindre Nash au Maid Café. Il était presque dix-huit heures et les grands restaurants étaient rapidement pris d’assaut par les touristes qui passaient dans la région. J’atteignais rapidement le café et après avoir franchi les portes, je balayais l’endroit du regard. A l’intérieur, l’atmosphère est conviviale. Un lieu chic et neuf, un lieu de vie, avec son coin comptoir, son salon et ses recoins. Vu sa localisation, ça en faisait une adresse incontournable. Seuls les connaisseurs et amateurs du genre venaient ici. C’est le sentiment que j’avais. Je me laissais bercer par la musique douce jamais envahissante. Puis je vis Nash me faire signe pour rejoindre le petit groupe déjà installé. Ils étaient idéalement placés. Une large table dans un petit coin calme à l’abri des oreilles indiscrètes.

Ses amis se nommaient respectivement Léo et Samuel. Ce dernier m’incita à prendre place à côté de lui.

– Sinon ce n’est pas ta petite amie hein ? se moqua Léo.

– T’es franchement lourd, répliqua Nash.

– Oh regarde toi, t’es tout rouge, lança Léo de plus belle.

– Je… Pas du tout ! fit Nash en détournant le visage.

Je ne pus m’empêcher de rire. J’avais vraiment l’impression de me voir avec mes propres amies. Puis nous discutions de tout et rien d’humeur oisive. Personne n’avait évoqué les cours particuliers à mon plus grand bonheur. Ainsi j’apprenais que Samuel était en troisième année, qu’Eva était la présidente du conseil des étudiants, qu’un nouveau transfert allait être fait dans notre classe. Et en parlant de changement, un nouvel élève avait également intégré la classe de Samuel. Il s’appelait Ren Owada.

La conversation repris de plus belle. Je sentais le genou de Nash contre le mien et ce contact me mettait soudainement mal à l’aise. C’est un peu comme si je prenais conscience que nos jambes étaient presque collées. Je me réinstallais dans le canapé en m’éloignant de quelques centimètres. Il n’avait pas l’air de s’en rendre compte, peut-être que je me faisais des illusions… Sis’ avait peut-être raison sur mon côté exagérément rationnel.

Mais du coin de l’œil, je voyais bien qu’il m’observait tout en buvant son chocolat chaud. Je levais les yeux vers lui et plongea mon regard dans le sien. Il le détourna rapidement, rougissant légèrement pris en flagrant délit.

– Qu’est-ce qu’il y a ?

– Rien… Je suis juste surpris de te voir ici. Je m’attendais vraiment à te revoir demain et pas là, en face en moi.

– Si ma présence te perturbe tant, je peux aussi partir si tu veux.

– Qu’est-ce que… Non, ce n’est pas ce que je voulais dire.

Il était clairement gêné. Le voir ainsi me faisait sourire. Je trouvais ça particulièrement mignon. Surtout sur un garçon. Le reste du groupe se moqua également joyeusement à son plus grand désarroi. Puis la sonnerie de mon portable me fit inopinément sursauter. Le temps de le sortir ma poche, je voyais apparaître le nom d’Aymeric sur l’écran. C’est dingue. Pourquoi est-ce qu’il m’appelait maintenant ? Il me surveillait à distance ou quoi ? J’aurais vraiment dû supprimer son numéro. Mais le connaissant, il aurait trouvé une autre parade pour me joindre.

– Il y a un problème Suzon ? me lança doucement Nash. Tu as à peine touché à ta boisson.

Mince, à cause de cette maudite interruption, j’étais totalement ailleurs. Le service était vraiment rapide. Je comprenais mieux pourquoi ils avaient choisi ce café. Cependant, je n’avais pas envie de paraître mystérieuse ou confuse. Je décidais de leur annoncer ce qui me perturbait tant.

– Aymeric a encore essayé de m’appeler. Il a décidé de ne pas me lâcher la grappe aujourd’hui.

– Ce type n’est qu’un imbécile, fit Samuel qui décrocha enfin un mot.

– Ignore-le, répliqua Nash d’un ton sec. Ce mec veut juste…

– Me mettre dans son lit, le coupais-je.

Sur ces mots, il se tut littéralement. Il ne s’attendait pas à une réponse directe. Mais pourtant c’était la vérité. Tel était la nature d’Aymeric. Mais ce qui m’intriguait le plus, c’était la discussion qu’ils avaient eue ce matin. Quel était leur lien ? Puis mon cerveau eu un déclic. Il voulait que je lui serve de larbin. Il voulait jouer avec Nash en se servant de moi comme intermédiaire. Nan mais pour qui il me prenait ? Comme si j’allais m’amuser à jouer les agents double.

Tout en prenant une gorgée de mon chocolat, je vis Nash me regarder à nouveau. A croire que c’était comme un jeu entre nous. Lui non plus n’avait pas énormément touché à son rafraîchissement. Il semblait troublé. Sûrement à cause de l’évocation d’Aymeric. Je tirais exactement la même tête. Je faisais juste un effort surhumain pour ne pas y penser. Je mis de nouveau le nez dans ma boisson lorsque Léo prit la parole.

– Ça vous dit d’aller au FAG après ? Il paraît qu’ils vont passer pleins de films d’animation ce soir.

– C’est quoi le FAG déjà ? demanda Samuel.

– Fête à Ambiance Garantie, un bar particulier quoi, expliqua Léo.

– Quel nom pourri, dis-je dans un murmure.

– Pas ce soir. J’ai des trucs à faire, fit Nash en faisant mine d’être épuisé.

Et il lâcha un bâillement dans les règles de l’art.

– Tu dis toujours non, répliqua Léo.

– Je vais devoir décliner aussi. Je sens que j’ai aussi besoin de sommeil, rétorquais-je.

En nous séparant, je m’engouffrais subitement dans la rue piétonne, pressant le pas pour rentrer chez moi sans trop tarder. Je n’aimais pas avoir des questions sans réponse. Si Aymeric voulait jouer à ce petit jeu, qu’il en soit ainsi. Je n’allais clairement pas rester une simple spectatrice. Ces deux-là me cachaient forcément quelque chose et je voulais savoir quoi. Ma dangereuse curiosité commençait maintenant.

To be continued…

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Et le deuxième chapitre s’arrête ici après une longue période d’absence. Je m’excuse de laisser autant de suspense et d’espace entre mes chapitres mais j’aime prendre du temps pour construire une histoire intéressante te donnant envie de découvrir la suite. Tu n’as pas idée à quel point j’ai pris énormément de plaisir à réécrire ce chapitre. Ce fut long et fastidieux mais le voilà enfin. J’espère sincèrement que tout te plaira amigo !

Que penses-tu des différents personnages ? On se retrouve prochainement dans d’autres articles. Et pas de panique, tu auras de la lecture pour combler l’attente du troisième chapitre. A bientôt !

Novaish. ©

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